Maladie d’Alzheimer à La Réunion : symptômes, diagnostic, conséquences et prises en charge

Environ 10 000 personnes seraient touchées par la maladie d’Alzheimer à La Réunion*, dont environ la moitié ne serait pas encore diagnostiquée. Quels sont les symptômes d’Alzheimer ? Quel dépistage pour cette « maladie de la mémoire » ? Quelles conséquences sur la vie quotidienne des malades et de leurs aidants ? Et surtout, quelle prise en charge ? Les réponses à toutes vos questions sur la maladie d’Alzheimer à La Réunion, avec Daphnée Schott, psychologue et neuropsychologue.

Psychologue–neuropsychologue, Daphnée Schott coordonne 4 associations dans le secteur médico-social dont le collectif MND&co (pour Maladies Neuro Dégénératives), qui accompagne les personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Elle est également consultante pour l’association France Alzheimer Réunion.


Article réalisé et rédigé par Cécile JEANCOLAS

Qu’est-ce que c’est que la maladie d’Alzheimer ?

C’est une maladie qui touche le cerveau, une maladie dégénérative, c’est-à-dire qui se dégrade avec le temps. Elle est plutôt associée à la personne vieillissante, au-delà de 60 ans, même si on peut avoir des cas d’Alzheimer précoce, dès 40 ans.

Cette maladie porte atteinte à certaines zones du cerveau, notamment par une atrophie des régions de l’hippocampe, siège de la mémoire. Elle touche aussi d’autres zones, comme le lobe frontal (derrière le front), entraînant alors une série d’autres symptômes et séquelles.

On parle de « maladie d’Alzheimer » quand il n’y a pas encore de conséquences réelles sur l’autonomie ou la vie quotidienne, puis de « démence de type Alzheimer ». A terme, elle peut entraîner une perte d’autonomie, des troubles du comportement et une perte de la capacité à raisonner.

Quels sont les symptômes d’Alzheimer ? Comment reconnaître la maladie ?

Les premiers symptômes peuvent être très légers.

Le mode d’entrée dans la maladie se traduit souvent par de petits oublis, des questions répétitives, une difficulté à s’organiser dans la journée, des « manques du mot » (mot sur le bout de la langue ou utilisation d’un mot pour un autre), de la distraction (un porte-monnaie qui se retrouve dans le frigo…), etc. Ces premiers signes de maladie se voient assez difficilement quand les personnes sont dans quelque chose de très ritualisé, à la maison. L’entourage les percevra tardivement, une fois que la maladie est déjà là.

Au fur et à mesure de l’avancée dans la maladie, il va y avoir de plus en plus d’oublis, de questions répétitives, de difficultés à s’organiser, à utiliser certains appareils. On constatera une perte d’autonomie dans les actes de la vie quotidienne, une perte du jugement, des difficultés à pouvoir raisonner donc à prendre des décisions, des difficultés de gestion, etc. Il peut également y avoir des troubles du comportement, une irritabilité, sur laquelle les personnes n’ont aucun contrôle. Les personnes malades peuvent aussi se mettre à déambuler la nuit, souvent pour calmer leur anxiété.

Dans les stades très avancés, la personne va être en perte de capacité pour de nombreux actes de la vie quotidienne : se laver, manger, boire, se dire ou dire qu’elle a envie d’uriner, etc. Il n’y a que le cerveau qui se dégrade mais comme il gère toutes les fonctions cognitives, la personne n’est plus en capacité de commander quoi que ce soit sur son corps.

Quel dépistage pour Alzheimer ? Que faire si on a des doutes ?

Une fois les premiers symptômes d’Alzheimer détectés par la personne concernée ou son entourage, le moyen de dépister la maladie, c’est d’en parler au médecin traitant.

La difficulté pour les médecins généralistes est de repérer précocement les troubles évoquant une maladie neurodégénérative. Ils ne sont pas outillés, notamment en tests de dépistages pour orienter au plus tôt les patients présentant une plainte mnésique. Le collectif MND&Co va d’ailleurs mener une campagne d’accompagnement auprès des médecins généralistes afin qu’ils proposent un dépistage fin et précoce des signes d’Alzheimer, pour une meilleure prise en charge de leurs patients. Le dépistage précoce est vraiment important, et le renforcement en compétences des médecins généralistes est essentiel à ce stade.

Le médecin traitant pourra orienter le patient vers un neurologue, un gériatre ou une consultation mémoire, centre de dépistage des plaintes mnésiques. La personne peut aussi solliciter une consultation mémoire d’elle-même, dans l’un des 4 centre hospitaliers de La Réunion ou au sein de la consultation mémoire libérale MND&Co.

Comment se passe le diagnostic de la maladie d’Alzheimer ?

Le diagnostic pourra être établi à la suite de plusieurs consultations et examens :

  • une consultation médicale avec un neurologue ou un gériatre, les deux spécialistes habilités à diagnostiquer une maladie d’Alzheimer. Le spécialiste va lui-même s’appuyer sur plusieurs examens :
  • un bilan neuropsychologique qui va faire le point sur les capacités cognitives de la personne,
  • éventuellement un bilan orthophonique pour faire le point sur les fonctions du langage, des mots, de la sémantique, etc.,
  • des imageries au niveau du cerveau : scanner, I.R.M., etc.,
  • éventuellement une ponction lombaire. Celles-ci sont de plus en plus conseillées car elles permettent d’établir un bilan très fin à partir des bio-marqueurs spécifiques de la maladie d’Alzheimer, avant même l’apparition de certains signes,
  • si besoin, une consultation chez un psychiatre, pour vérifier toute la sphère émotionnelle et psychoaffective.

Les examens réalisés vont permettre de poser un diagnostic différentiel. On peut parfois avoir des troubles similaires à ceux de la maladie d’Alzheimer quand on souffre de dépression, de burnout, ou d’épuisement par exemple. Le diagnostic différentiel va permettre d’écarter ces syndromes.

Que faire si on a un proche qui a peur de la maladie, qui redoute de consulter, voire essaie de cacher ses symptômes ?

C’est vrai que culturellement, à La Réunion, on a une très mauvaise représentation de cette maladie, qui est associée à la psychiatrie, à la folie, etc. Il y a déjà un frein culturel à aller consulter.

Il y a aussi, pour toute personne âgée, la peur du déclin, de la perte d’autonomie, d’être placée en maison de retraite, associée à la peur d’une inversion des rôles avec ses enfants qui prendraient la place de parents.

Dans la maladie d’Alzheimer, il y a aussi un trouble neurologique qui s’appelle l’anosognosie, qui fait que les personnes n’ont pas conscience de leur trouble. On peut confondre l’anosognosie avec le déni, qui lui est d’origine psychologique.

Mais avant tout, il est important de rassurer la personne :

  • il s’agit d’une affection du cerveau, d’une maladie neurologique et non pas psychiatrique,
  • dépister précocement la maladie permet de mettre en place une prise en charge précoce, et ainsi de prolonger son autonomie, de rester le plus longtemps possible au domicile, de limiter les dégradations et d’anticiper les difficultés.

Comment évolue la maladie dans le temps ? Peut-on guérir d’Alzheimer ?

La maladie d’Alzheimer est une maladie dite neurodégénérative, qui progresse lentement. On peut vivre avec pendant 10, 15, 20 ans. On n’en meurt pas, mais tout au long de ces années va s’installer une dégradation plus ou moins rapide selon chaque personne.

Et malheureusement, non, il n’y a pas de traitement qui permet de guérir de la maladie d’Alzheimer. Il faut vivre avec, mais on a de quoi compenser la maladie, en traitant ses symptômes. Le traitement ne sert alors qu’à ralentir ses effets.

Alors comment se soigner ? Quel traitement contre Alzheimer ?

Des traitements médicamenteux

Il existe plusieurs traitements, le challenge étant de trouver la bonne molécule, le bon médicament, adapté à la personne. On y arrive en tâtonnant. Parfois les traitements mettent du temps à faire effet, voire augmentent temporairement les troubles. En tous les cas il est important de ne pas arrêter un traitement en cours même s’il a des effets indésirables, mais de contacter tout de suite le spécialiste qui l’a prescrit.

De nombreuses prises en charge non médicamenteuses

Parmi elles on trouve :

  • l’activité physique adaptée, reconnue pour ralentir les dégradations cognitives et calmer les déambulations (certaines personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer marchent la nuit, du fait d’une anxiété),
  • l’art thérapie, la musicothérapie et tous ces médiateurs ludiques et thérapeutiques qui permettent de s’exprimer autrement que par quelque chose d’intellectuel,
  • des ateliers cognitifs ou ateliers mémoire, dont l’objectif est de stimuler la concentration et la mémoire (par exemple via des souvenirs anciens),
  • certains dispositifs qui accueillent les personnes malades en journée, avec un programme d’activités qui regroupe toutes ces thérapies,
  • les Pôles d’Activités et de Soins Adaptés (PASA), des dispositifs intégrés au sein des EHPAD, accessibles aux résidents, avec un programme d’accompagnement et de stimulation personnalisé.

Et des prises en charge paramédicales

Un ensemble de professionnels peut accompagner les personnes atteintes d’Alzheimer :

  • l’orthophoniste libéral assure une prise en charge visant à maintenir la fonction langagière et va souvent faire un peu de stimulation cognitive. Contrairement à celles du neuropsychologue libéral, ses séances sont remboursées par la sécurité sociale,
  • le kinésithérapeute peut intervenir pour maintenir certaines fonctions motrices,
  • l’ergothérapeute peut intervenir à domicile pour envisager les aides techniques à mettre en place afin de prolonger l’autonomie de la personne. Ce dispositif est accessible sur prescription, et réalisée par l’équipe spécialisée Alzheimer (ESA),
  • en EHPAD, la prise en charge d’Alzheimer s’appuie sur un éventail d’intervenants comme :
    • l’ergothérapeute, qui travaille sur l’adaptation des gestes, du matériel, de l’environnement, etc. pour préserver l’autonomie de la personne au quotidien,
    • le psychomotricien qui travaille sur le corps, en lien avec le cognitif,
    • un ensemble de soignants et d’animateurs formés à l’accompagnement des personnes (aide-soignant, infirmier, etc.),

Peut-on continuer à travailler avec la maladie d’Alzheimer ?

De plus en plus, car les personnes ont de moins en moins peur de cette maladie, les diagnostics précoces se multiplient, par exemple chez des personnes d’une cinquantaine d’années, donc encore dans la vie active.

On peut encore travailler mais avec un accompagnement adapté et individualisé : allégement des responsabilités, accompagnement spécifique sur les capacités de la personne, voire accompagnement de la part des collègues, de la hiérarchie, etc. Cela demande vraiment une implication et un volontariat de tous pour maintenir dans son environnement une personne atteinte de maladie d’Alzheimer dont les troubles s’expriment.

C’est un sujet à aborder avec la médecine du travail et l’employeur. Le travailleur comme l’employeur peuvent solliciter la médecine du travail**. L’essentiel est de continuer à faire avec la personne malade tout en la protégeant. Il est important de l’inclure et de la respecter, elle et son libre arbitre.

Peut-on continuer à conduire ? A faire à manger ?

A un stade avancé de la maladie, ces situations deviennent à risque parce que la personne n’est plus en capacité de réfléchir, de raisonner, de mémoriser. Elle peut par exemple oublier qu’il y a une marmite sur le feu, ne plus savoir comment se servir d’un couteau, ne plus se souvenir si elle a mangé, etc. c’est pourquoi il est important de maintenir une veille.

Concernant la conduite, la maladie d’Alzheimer, selon son stade, peut devenir une contre-indication médicale. Il faut donc savoir que si on a un accident alors qu’une maladie d’Alzheimer a été diagnostiquée et qu’on ne l’a pas signalée à son assureur, celui-ci peut refuser l’indemnisation. L’association MND&Co travaille actuellement à systématiser des procédures pour ces cas-là, avec la Préfecture et la Délégation à la sécurité routière de La Réunion.

À l’inverse, la maladie d’Alzheimer peut être reconnue comme circonstance atténuante dans certains cas (comportement inapproprié, dépenses inconsidérées, etc.).

Peut-on continuer à vivre chez soi ?

Cela dépend. On peut continuer à vivre chez soi avec la maladie d’Alzheimer en fonction de ce qui a été mis en place à son domicile. Mais c’est quelque chose à anticiper.

Cette maladie demande des réajustements, une réorganisation de l’environnement, que la personne soit chez elle, en institution, chez un aidant, etc. Un réajustement architectural pour éviter les chutes, une réorganisation des journées, une nouvelle planification, la mise en place de repères, de rituels, etc. Et cela demande une grande veille, avec l’intervention de professionnels comme des aides à domicile, des aides ménagères, un portage de repas, des infirmières qui passent pour les traitements ou la toilette, etc.

Il y a beaucoup de choses à mettre en place, beaucoup de dossiers administratifs à faire, mais beaucoup d’aides sociales existent. C’est tout ce plan d’aide sociale, de projet de soins, de projet d’accompagnement qui va permettre un maintien domicile ‘sécure’ pour la personne et son environnement familial. C’est aussi ce qui va permettre de retarder son placement en institution. Culturellement, à La Réunion, il est particulièrement difficile pour les aidants de placer les malades en EHPAD.Mais le maintien à domicile est parfois problématique et la maison de retraite peut devenir obligatoire, parfois même de manière urgente. La difficulté, c’est qu’on ne peut pas intervenir en urgence étant donné les listes d’attente. Nous conseillons donc aux personnes d’anticiper, dès l’entrée dans la maladie, en constituant des dossiers d’admission en EHPAD. Si la personne n’est pas prête à y entrer à un instant t, elle peut refuser. Mais sa demande sera réactivée plus vite lorsque le moment sera venu.

La maladie d’Alzheimer a aussi des conséquences sur l’entourage de la personne malade. Quels sont les risques pour les familles, les aidants ?

Il y a plusieurs points à risque :

  • l’isolement social : les aidants vont de plus en plus s’isoler, voire cesser de travailler, arrêter toute activité sociale, familiale ou professionnelle pour s’occuper de leur proche malade,
  • une perte pécuniaire en cas de sortie du travail,
  • les phénomènes de cascades vers l’épuisement : souvent les familles sont prises par le ‘devoir’ de s’occuper de leurs proches, a fortiori si elles lui ont promis de le faire. Les personnes se retrouvent alors coincées et commencent à endosser tous les rôles : d’accompagnants, d’infirmiers, de parents, de psychologues, etc. Ce cumul peut rapidement amener à l’épuisement, et parfois au délaissement du reste de la cellule familiale,
  • des syndromes anxiodépressifs, de burnout,
  • des troubles musculosquelettiques dus à l’aide physique apportée à la personne malade,
  • d’autres pathologies psychosomatiques.

Tous ces risques peuvent encore être aggravés si l’aidant délaisse sa santé.

Il faut également prendre en compte le fait qu’il y a beaucoup d’aidants mineurs, soit pour suppléer l’aidant principal, soit pour le remplacer complètement. Ces aidants « cachés », sont en difficulté car ils ne sont pas accompagnés, pas renseignés et portent une charge et une responsabilité importante. Il est donc capital qu’ils soient identifiés.

Lorsqu’un aidant se retrouve seul à accompagner une personne malade, il peut demander une médiation familiale pour « répartir la charge » entre les membres de la famille. Mais il est souvent difficile pour un aidant de demander de l’aide…

Justement, quelles aides sont disponibles pour les aidants ?

La référence de l’aide aux aidants à La Réunion, c’est le GIP SAP [le groupement qui porte le dispositif La Réunion des aidants, NDLR]. Il est la porte d’entrée pour aider tous les aidants familiaux de toute pathologie, de tout âge, etc. Le GIP SAP travaille en lien avec d’autres acteurs et peut renvoyer vers des accompagnements spécialisés.

Les aidants peuvent bénéficier :

  • d’aides financières, qui ont le mérite d’exister mais reste dérisoires (il faut savoir que les aidants qui ont cessé de travailler pour s’occuper de leur proche ne cotisent pas à la retraite),
  • des solutions de répit pour « souffler » :
    • France Alzheimer Réunion propose dans ses Maisons Cœur Alzheimer différentes actions d’accompagnement de la personne malade et/ou de son aidant : on peut y emmener son proche, bénéficier d’ateliers en groupe, de séances d’accompagnement psychologique, etc.
    • l’hébergement temporaire en EHPAD, à qui il est possible de confier son proche malade plusieurs jours par an,
    • l’hébergement définitif en EHPAD
    • l’accueil de jour en EHPAD
    • les séjours répit – repos mis en place par le Département via le GIP SAP. L’aidant peut bénéficier de temps pour lui pendant qu’une aide à domicile le remplace auprès de son proche, ou d’un séjour avec hébergement durant lequel le proche malade est pris en charge et l’aidant profite d’ateliers, de cours de yoga, d’art thérapie, etc.,
  • d’actions collectives via le GIP SAP, qui peuvent prendre la forme de formations thématiques sur la santé, etc.
  • des séances individuelles de psychothérapies prises en charge par le GIP SAP
  • des accompagnements spécifiques (par exemple des médiations familiales, des interventions à domicile, un accompagnement administratif pour monter les dossiers, etc.) proposés par certains acteurs comme le GIP SAP, l’Equipe Mobile de Gériatrie, la MAIA, la PTA, l’association MND&Co, l’association France Alzheimer Réunion, le groupe CRC…)
  • la reprise d’annonce du diagnostic à domicile : une fois le diagnostic annoncé au patient et à la personne qui l’accompagne, le collectif MND peut faire une « reprise d’annonce » à domicile, avec l’ensemble de la famille, parfois en opérant une médiation familiale pour essayer de mettre en place le parcours. Une coordinatrice de parcours va ensuite accompagner la personne dans ses difficultés.

Depuis peu, le collectif MND porte également un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) agréé par l’ARS. Il propose des ateliers thématiques pour le patient et ses aidants afin de renforcer leurs connaissances sur la maladie, renforcer leur autonomie à prendre en charge la maladie, donner des clés pour la stimulation cognitive, les démarches d’aide sociale, l’organisation de la prévention, la réorganisation de l’environnement, etc.

Y a-t-il une prévention contre Alzheimer ? Comment peut-on éviter cette maladie ?

La question de l’hygiène de vie est primordiale, qu’elle soit alimentaire ou physique (voir le site www.mangerbouger.fr).

Il y a également tout ce qui concerne la stimulation cognitive : lire, faire des mots croisés, stimuler la mémoire, conserver une activité cérébrale, notamment au passage à la retraite.

L’autre principe de prévention, c’est de conserver un environnement social stimulant : entretenir des conversations, rencontrer du monde, pratiquer des activités et les renouveler, etc. On sait qu’une personne très isolée, avec peu de contacts et de stimulation, des activités très répétitives, est exposée à l’expression plus rapide de la maladie d’Alzheimer, ou à l’apparition de certains troubles qui évoqueraient ce type de maladie.

A ce titre, le passage à la retraite est un moment un peu délicat, que l’on peut anticiper. L’association MND&Co. va pour cela lancer un programme d’accompagnement des personnes qui vont entrer dans la retraite, dans le cadre de la prévention pour le bien vieillir.

Quand mettre en œuvre ces actions de prévention ?

On sait qu’on est au top de notre cerveau à 20 ans, et qu’à partir de là le déclin commence… Il faut donc il faut donc se stimuler toute sa vie !

Y a-t-il des populations plus exposées que d’autres à la maladie d’Alzheimer ?

On sait que des dépressions, la consommation d’antidépresseurs, des épisodes traumatiques, des AVC, des pathologies d’origine vasculaire, constituent des facteurs de risque. Il existe également des facteurs d’hérédité, mais qui ne sont pas systématiques.

Et on note une prévalence des femmes parmi les personnes diagnostiquées (8,51 ‰ hommes réunionnais pris en charge pour 14,06‰ femmes réunionnaises***, NDLR)

La recherche avance sur ces points, et on a un espoir d’avoir de meilleures vues d’ici quelques années.


Quels conseils avez-vous à donner aux aidants au quotidien ?

Déjà, garder en tête que la personne malade ne fait pas exprès. Neurologiquement, elle ne peut plus réagir autrement. Il est important pour les aidants de réaliser un travail de dissociation afin d’apprendre à faire la différence entre la maladie et la personne, et ou entre ce que la personne a été et ce qu’elle est maintenant à cause de la maladie.

Je recommande également aux aidants de développer leur créativité ! Soyez force de proposition pour en permanence contourner les troubles de comportement, éviter la résistance, faire diversion, proposer autre chose, etc. Il s’agit de bien observer les causes et les conséquences, et de se faire confiance : vous savez ce qui va déranger votre proche, provoquer une irritabilité, etc.

Ensuite, il est inutile de chercher à raisonner la personne malade, de la contredire. Elle n’a plus la capacité neurologique à raisonner. Il vaut donc mieux aller dans son sens pour ne pas la perturber ou la braquer, puis faire diversion pour l’emmener ailleurs.

Enfin, souvenez-vous que vous n’êtes pas responsable de tout et apprenez à demander de l’aide ! Être autonome, c’est aussi savoir demander de l’aide. Le gros enjeu est de s’appuyer sur les professionnels pour chaque besoin, afin de rester « un proche » pour la personne qu’on aide et de ne pas devenir un soignant. Vous pouvez notamment vous former avec des professionnels pour apprendre à accompagner votre proche tout en bienveillance avec vous-même.

Un dernier mot ?

Je tiens dire un grand bravo et un grand merci aux aidants, car les aidants sont malheureusement dans l’ombre, mal identifiés, mal valorisés, alors qu’ils font un travail au quotidien exceptionnel, quasiment inhumain, et portent une charge et un sacrifice énorme.

Quelles mesures de protection pour les personnes malades ?

Certaines personnes ne sont plus en capacité de prendre des décisions dans leur intérêt, de gérer un budget, de gérer leurs affaires. Il existe pour elles des procédures auprès du juge des tutelles, avec trois volets pour des prises en charges croissantes :

  • la procédure de sauvegarde de justice, qui permet de faire accompagner la personne malade par une personne désignée comme soutien. Elle peut être mise en place rapidement mais elle reste de courte durée.
  • la procédure de curatelle : on désigne un curateur – un professionnel ou un membre de la famille – qui assurera avec la personne malade la gestion conjointe de ses affaires, dans une position de conseil et de guidance. La personne conserve la pleine décision pour ses affaires.
  • la mise sous tutelle : on désigne un tuteur – professionnel ou membre de la famille – qui va pouvoir prendre toutes les décisions à la place de la personne et gérer ses affaires (gestion financière, gestion du patrimoine, installation en établissement, etc.). Si elle peut faire peur, cette étape devient parfois une nécessité au cours de l’évolution de la maladie. A noter : les patients peuvent anticiper tant qu’ils ont encore toutes leurs capacités. Ils peuvent choisir, par exemple auprès d’un notaire, de désigner une personne qui s’occupera de leurs affaires s’ils venaient à perdre leur capacité à prendre des décisions pour elle-même.

*https://www.reunion-alzheimer.org

**L’employeur peut solliciter une visite médicale auprès du Médecin du travail lorsque son salarié présente difficultés impactant son travail et en lien avec sa santé. L’employeur devra toutefois informer le salarié du motif de la visite médicale.